Présentation

Vincent Champion-ErcoliPrésenter le travail d'un sculpteur en quelques mots, c'est comme croquer un paysage ou un nu en quelques coups de crayon... extrêmement délicat! Ces quelques lignes n'ont l'ambition de dévoiler ni le personnage ni ses sculptures, elles se proposent juste de deviner les liens qui les unissent, telle une invitation à voyager dans l'univers qui les rapproche.

« Je ne connais pas de plus grande joie que lorsque je joue avec la matière pour lui donner une entité propre. Ce que j'aime par dessus tout, c'est qu'elle ne triche pas, elle ne raconte pas d'histoire, elle est toute entière. C'est sans doute pour ça qu'on s'entend bien tous les deux. »

Tout est dit, on pourrait presque se contenter de ces quelques mots, non?

Non, Vincent me souffle de continuer, il a envie de partager sa sculpture, de la donner à voir… Il veut tenter d'expliquer sa relation à la matière. Et ça ne commence pas par un raisonnement mais par un ressenti, celui de son environnement naturel et humain.

Qu'elle soit végétale, minérale ou même humaine, la nature, Vincent ne la copie pas, il ne l'illustre pas, il en fait tout simplement partie, il laisse son énergie se transmettre à la matière via ses mains. Autrement dit, ce n'est pas le paysage qui l'inspire mais la joie et l'émerveillement que lui procure la forêt ou la rivière, ce n'est pas la beauté d'une femme qui guide ses mains sur la cire mais la chaleur qu'elle fait naître dans son cœur. Ce ne sont pas non plus les mots qui le pousseront dans son atelier mais plutôt les frissons qu'ils offriront à son imaginaire. Et au même titre que l'arbre offre ses fruits, que la graine livre sa fleur, Vincenzo donne forme à la matière, donne vie à ses pièces. Il se fait lui aussi le média de cette énergie pour créer ses sculptures...

Comment? D'abord par l'exploration, l'expérimentation. Son travail est fait de rencontres, d'oppositions, de complémentarités qu'il essaie, qu'il marie, qu'il mélange. La rondeur et la douceur des pièces polies épousent les angles et la rugosité de la matière brute. Caresse et agressivité tombent continuellement en amour. Équilibre et déséquilibre jouent à cache-cache. Détours et méandres traduisent en fait ouverture et générosité... Ses sculptures, épurées et tourmentées à la fois, sont à l'image du personnage, comme s'il était tellement entier qu'il ne pouvait pas être une chose sans être son contraire, comme s'il ne pouvait pas faire autrement qu'explorer toute l'amplitude d'un caractère, d'une façon d'être, d'une émotion... Il oscille sans cesse entre une foi inébranlable en son travail et une confiance en lui trop peu maîtrisée. À tel point que sa recherche de la perfection passe par la démesure, le dépassement à la fois de soi et des lois de la matière.

À commencer par celle de la pesanteur. Les sculptures de Vincent semblent flotter, parfois même respirer, leur équilibre ne tenant qu'à une succession de légers déséquilibres. En appui sur quelques points, sur une arête, sur une pierre, hésitantes et pourtant imprenables. « On ne me fera pas croire que la sculpture de bronze est condamnée à être une œuvre posée sur un socle. Je souhaite lui donner une nouvelle dimension, qu'elle puisse tenir d'elle-même dans des positions inhabituelles, en jouant avec la gravité et sembler si légère qu'une brise la ferait tomber. »

Comment encore? En prenant son temps... Le travail de Vincent est souvent instinctif, parfois initialement impossible. Mais il ne travaille pas seul, il laisse la matière s'approprier les formes qu'il lui propose, il attend que l'idée s'installe, que l'énergie s'équilibre et que la sculpture naisse… tout simplement. Parfois brutalement, parfois tout en douceur, mais presque toujours après une longue période de maturation. Vincent est incapable de raisonner son investissement, mais il sait prendre son temps jusqu'à se laisser surprendre par la sculpture elle même. « Le processus de création me fascine profondément et les sculptures me prennent tout entier… Les voir prendre forme lentement m'épate, à chaque fois. »

La pièce apparaît alors comme une et évidente, tel un éloge à la lenteur.

Félicie Louf, mai 2010